Le jour de l'Ascension tombe toujours un jeudi. Pourquoi ? Parce que cette fête se célèbre quarante jours après le dimanche de Pâques, jour de la Résurrection de Jésus. Donc, faites le compte...

Ce nombre de quarante jours provient du livre des Actes des Apôtres où Luc écrit que Jésus "pendant quarante jours, était apparu aux apôtres et les avait entretenus du Royaume de Dieu" (Actes 1, 3). L’Église a retenu ce chiffre alors que pour les évangiles de Marc ou de Luc aucune mention n'est faite de ce délai de quarante jours. Bien au contraire leurs récits se gardent bien de donner le moindre délai, comme si les événements de la Résurrection de Jésus, les apparitions du Ressuscité, son ascension et le don de l'Esprit étaient une seule et même réalité.

Quarante jours après Pâques

Toujours est-il que depuis le IVe siècle, l’Église a fixé la date de cette fête quarante jours après Pâques. Il y a clairement l'intention de faire le pendant aux quarante jours du Carême : après quarante jours de prières et de jeûnes, autant de jours de fêtes et de joie ! 

Assez rapidement, la tradition chrétienne a situé l'Ascension sur le lieu du mont des Oliviers. Jardin en face de la ville de Jérusalem, lieu de rencontre habituel de Jésus et de ses disciples. Sur place, la tradition dit qu'on peut même voir la trace des pieds de Jésus qui serait restée sur le rocher !

Entrer dans la gloire de Dieu

De toutes les façons il est inutile de chercher à connaître, malgré les précisions données dans les récits bibliques, les conditions réelles de cet événement. Ce qui, en revanche, est plus manifeste - et tel est le sens premier qui apparaît dans les récits bibliques -, c'est la signification que revêt cet événement : en montant aux Cieux, Jésus exprime ce que signifie sa résurrection d'entre les morts, à savoir entrer dans la gloire de Dieu. Tel est aussi notre avenir : entrer nous aussi dans cette gloire du Père qui nous est promise.

Très rapidement, cette fête a connu une très grande importance. En France, lors du concordat signé entre Bonaparte et le pape Pie VII, l'Ascension est restée l'une des quatre fêtes d'obligation avec Noël, l'Assomption et la Toussaint. C'est-à-dire que même si ces jours ne tombent pas un dimanche, ils sont des jours chômés comme le dimanche. Aucun travail ces jours-là, mais grande fête et célébration dans les églises !

Cette obligation légale de jour chômé a été maintenue en 1905 lors de la renégociation des relations entre l’État français et l’Église catholique. C'est pourquoi, encore aujourd'hui, le jeudi de l'Ascension est férié!

 

Pourquoi l'Ascension est-elle célébrée un jeudi ? Quel est le sens de cette fête ? Explications. Publié le 14 avril 2015.

 

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L'Ascension est une fête qui concerne l'identité de Jésus, et celle du croyant, transformé par son adhésion au Christ.

Des chiffres et des dates

Quarante jours après Pâques, nous fêtons l'Ascension, puis quelque dix jours après, la Pentecôte. Deux grandes dates qui disent avant tout le temps de la foi. Quarante jours après Pâques, c'est le temps parfait de la naissance du disciple, le temps d'une révélation ! La fête de l'Ascension, comme celle de la Pentecôte, concerne l'identité profonde de Jésus, et celle du croyant, transformé par son adhésion à Jésus, par la proximité qui le gagne face au mystère.

Jésus dans les airs

Nous sommes probablement desservis par les magnifiques représentations que les peintres ont données de ce grand moment du mystère de la foi. Nous savons ainsi que les anges ont des ailes, puisque Fra Angelico les a peintes si belles, si légères et si douces. Et tout laisse à penser que l'Ascension a été un départ de Jésus dans les airs. Les peintres en effet ont montré cette ascension dans son élan, et dans le mouvement d'un corps peu à peu absorbé par le nuage. Et nous pensons, inconsciemment, que Dieu est dans ce ciel…-là.

C'est ignorer le parler biblique, qui ne peut situer Dieu qu'en haut, au sommet de l'univers, tandis que le lieu de la mort, et aussi celui du mal, est en bas vers le sol (relire par exemple Genèse 4, 7), ou plus bas encore pour la mort, au Shéol. La Bible désigne ainsi le pays de la mort, lieu d'obscurité et surtout de silence, tandis que la vie est mouvement, joie, parole de louange à Dieu. Oui, telle est la plus belle figure de la vie (Isaïe 38, 10-20) !

La cosmologie juive

Pour saisir l'ensemble de ces images dans lesquelles s'exprime la foi biblique, il faut se souvenir de la représentation biblique du monde. Il faut nous représenter un grand cercle. La moitié supérieure serait la voûte céleste, à laquelle sont accrochés les astres : soleil, lune, étoiles, tous les luminaires dont parle la Bible dès son premier chapitre, tandis qu'à Babylone on les considère comme des divinités. Pour l'homme de la Bible, les astres ne sont que des créatures du Dieu unique.

Le cercle serait traversé en sa moitié par un grand axe horizontal, celui de la mer, sur laquelle est posée comme une galette la terre ferme, soutenue comme le disent certains psaumes, par les colonnes de la terre. La mer est le lieu des démons et des puissances hostiles, tel le monstre Léviathan dont parle la Bible. Et lorsque Jésus apaise la mer en tempête, il impose silence aux démons. Il exorcise la mer (cf. Matthieu 8, 23-27).

Sous la terre se trouve le shéol, ou séjour des morts, lieu du silence, de la non vie. Aucune image comme nos terribles représentations médiévales, de démons fourchus et cornus accablant les pauvres damnés. Car la mort n'est pas damnation : elle est silence, non vie, cessation de tout.

Dieu au sommet de l'univers

Dans cette représentation, Dieu est au sommet de l'univers, bien sûr. En bas, ce sont les puissances du mal et de la mort. C'est ainsi. Mais on peut dès lors relire un des grands textes du Nouveau Testament parlant du Christ, une hymne très ancienne, antérieure même à la lettre de saint Paul dans laquelle elle s'inscrit. Elle vient sous la plume de Paul comme l'illustration ou l'éclairage le plus spontané (cf. ci-dessous sa première phrase). On appelle souvent ce texte Hymne aux Philippiens :

"Ayez entre vous les dispositions que l'on doit avoir dans le Christ Jésus : lui qui était dans la condition de Dieu, il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même, en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : "Jésus Christ est le Seigneur", pour la gloire de Dieu le Père" (Philippiens 2, 5-11).

Lire et relire la Bible 

Le texte que nous venons de lire est beaucoup plus riche qu'on ne le croit. Il dit le chemin du Christ : d'où il vient - de Dieu - et où il va : vers Dieu, à la droite de Dieu. Sur le plan théologique, ce texte est essentiel. Et il repose, on le voit, sur la représentation de l'univers dont nous venons de parler. Venu de Dieu, et prenant condition d'homme, Jésus descend. Mais Dieu l'a élevé au-dessus de tout, lui donnant le nom qui est au-dessus de tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : "Jésus Christ est le Seigneur", à la gloire de Dieu le Père.

Les mots de la foi et du Credo 

Le Credo reprend et poursuit cette affirmation de foi et ce mouvement. Dans sa version la plus simple, celle du Symbole des Apôtres, il dit en mots très simples : Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie. Et cette proclamation de la foi se poursuit : il a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers. Le troisième jour, est ressuscité des morts ; est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts….

Les mots, on le voit, sont très proches de ceux que nous avons lus dans l'Hymne aux Philippiens. Ce qui peut parfois sembler étrange, s'explique alors : Christ en sa mort et sa résurrection, va jusqu'aux tréfonds de la mort. Les icônes de la résurrection le montrent, vainqueur de la mort et du tombeau, et prenant par la main… Adam, le premier homme, et Eve. Les ramenant à la vie, les touchant de sa résurrection, c'est tout le séjour des morts, c'est toute mort, c'est la création et l'humanité tout entières qu'il touche ainsi de résurrection.

Ainsi les mots de la foi s'éclairent-ils de façon simple lorsque l'on redécouvre les mots et les images, l'univers de la Bible.

Jacques Nieuviarts, bibliste

"Dieu au sommet de l'Univers " : l'Ascension éclairée par le langage de la Bible. Un article de Jacques Nieuviarts, bibliste.Publié le 14 avril 2015.


Croire.com

 

Cette année encore, et pour la cinquième fois consécutive, l’équipe Internet du diocèse de Valence vous propose, en collaboration avec RCF26 et le Service diocésain de catéchèse, une retraite en ligne du 18 février au 4 avril prochains.

Pour vous inscrire c’est ici : http://eepurl.com/bcNGLf

   

Tous les jours, un mail vous sera adressé pour vous avertir de la mise en ligne d’un nouveau contenu, et vous pourrez découvrir en ligne sur le site :

- une méditation ou un commentaire à partir des textes bibliques du jour par un prêtre, religieux (se) ou laïc (que) du diocèse :
P. Philippe MAURIN (vicaire épiscopal en charge du Pôle Solidarité et curé modérateur des trois paroisses de la Drôme des Collines), Jean-Pierre SAUREL (diacre), Véronique DESFRICHES-DORIA et Michelle PAVAT (Laïques en mission ecclésiale, aumôniers d’hôpital), Sr Térésia (Religieuse de la Compagnie de Ste Ursule de Tours), Michelle SOUVRAS (Laïque en mission ecclésiale, catéchiste-relais de la paroisse St Emilien de Valence), Francis et Colette Caudron (Responsables du Service diocésain Liturgie et sacrements) et notre évêque, Mgr Pierre-Yves Michel
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- un commentaire audio à écouter, ainsi qu’une version papier imprimable.
Ce commentaire sera également retransmis tous les jours sur les ondes de RCF26 et, pour les plus initiés d’entre nous, à podcaster sur leur site.

- Le service diocésain de catéchèse renouvellera, chaque mercredi, sa proposition aux plus jeunes avec une animation à réaliser en famille.

- Cette année, et ceci afin de marquer tout particulièrement l’Année de la Vie consacrée, nous avons suivi une congrégation de Valence, les Soeurs de la Compagnie de Ste Ursule de Tours, à la fois dans son lieu de vie, à travers la vie en communauté de ces cinq membres, mais également dans leurs activités extérieures. Vous retrouverez ces vidéos tous les dimanches.

Modalités pratiques : Pour participer à cette « Pause Carême », nous vous invitons dès à présent à vous inscrire en remplissant le formulaire en ligne.

Le pape François, reprenant les mots de Benoît XVI (Deus caritas est, N°31), nous invite, dans son message pour le Carême 2015, à vivre ce temps « comme un parcours de formation du cœur ». Cette nouvelle « Pause Carême » veut ainsi nous aider à avoir un cœur fort, solide, ouvert à Dieu et qui se laisse pénétrer par l’Esprit.

Il existe, nous direz-vous, une multitude de propositions de retraites en ligne en ce genre… Alors, pourquoi faire concurrence ? Parce que justement, il n’y a pas de concurrence en ce domaine… Si Internet est un « espace », l’Eglise doit y être présente dans sa diversité afin que chacun s’y retrouve. Et les évaluations des précédentes éditions de notre « Pause Carême » ont montré que notre proposition apporte sur Internet sa note propre, plus « locale »… Et n’est-ce pas une manière, au fond, d’évangéliser aujourd’hui dans la Drôme… pour reprendre le thème de notre synode ?...

Alors… prenons le temps de nous déconnecter de ce qui fait notre quotidien pour nous reconnecter à Dieu… et BON CARÊME à chacun et chacune d’entre vous !

 

Pause Carême 2015

 

 

La foi en la résurrection est-elle aujourd'hui possible ? Le Père Bernard Sesboüé, jésuite et théologien, propose des éléments de réponse pour approfondir ce mystère.Publié le 28 avril 2015.

Qu'est-ce qu'un corps humain ?

Qu'est-ce qu'un corps ? La réalité des corps peut être étudiée selon toute une échelle de points de vue scientifiques. Il y a les corps minéraux, dont on analyse la composition moléculaire et atomique. Il y a les corps vivants avec la double série du végétal et de l'animal, qui sont étudiés selon leurs composants biologiques. On enregistre déjà une différence de seuil entre le végétal et l'animal. La série animale, des protozoaires jusqu'aux singes supérieurs, telle qu'elle est expliquée dans l'interprétation de l'évolution, présente une série ascendante dans le domaine de la conscience et de la communication.

Un seuil nouveau et radical est franchi avec le corps humain. Sans doute celui-ci assume-t-il tous les "étages" inférieurs de l'être corporel. Nous sommes faits d'atomes, de molécules, de cellules, de systèmes végétatifs et nerveux. Notre corps obéit à toutes les lois de la biologie. Pourtant, il dépasse celles-ci de manière décisive par sa conscience réflexive, par sa raison, par la capacité de son langage. On ne peut ici séparer trop facilement le corps et l'âme. Car tout ce que nous vivons est indissociable de notre corps.

C'est par lui que nous travaillons et pouvons agir sur la nature et transformer le monde. C'est par lui que nous pensons et parlons, entrant ainsi en relation avec les autres. Notre parole est immatérielle quant à son sens mais très matérielle, puisque notre bouche articule des sons avec notre souffle. Quand nous écrivons, c'est encore par la médiation de notre corps que nous formons les lettres sur le papier ou que nous tapons sur les touches d'un ordinateur et l'écriture de quelqu'un est jugée suffisamment révélatrice de sa personnalité pour donner lieu à des investigations graphologiques. C'est avec notre corps que nous aimons. Les gestes de l'amour passent par lui, tout en exprimant un sentiment qui va bien au-delà du corporel. Plus généralement, c'est dans notre corps que nous éprouvons joie et plaisir. Notre visage a une mobilité constante qui nous permet de manifester toute une palette de sentiments délicats par le sourire ou le rire, les pleurs ou la joie. Pensons aussi à la beauté spirituelle du corps humain quand tous ses membres sont expressifs, en particulier dans certaines danses, ou certains exploits sportifs, où le corps apparaît comme transcendé.

Notre corps est aussi le lieu de notre souffrance, non seulement physique mais morale. Où est d'ailleurs la frontière exacte entre les deux ? L'angoisse intérieure, un grave échec sentimental ou professionnel ont des incidences corporelles. De son côté, l'épreuve de la maladie, qui est celle de tel ou tel organe ou fonction, est une souffrance authentiquement humaine, surtout quand elle met en cause notre espérance de vie. C'est pourquoi la mort, qui délie la relation intime que nous avons avec notre corps, est perçue comme une destruction de nous-mêmes.

A mesure que nous avançons en âge notre corps devient histoire. Il porte les traces des blessures physiques ou morales reçues. Bref, tout en notre corps est typiquement humain. Comme disait Péguy, le spirituel en nous est charnel et le charnel est spirituel. En vérité, nous n'avons pas un corps, mais nous sommes notre propre corps. Notre corps est un corps humain et donc un corps spirituel. L'anthropologie contemporaine parle volontiers de "corps-parlant" ou de "corps-signifiant". Elle souligne ainsi le fait que celui-ci est avant tout le lieu d'une existence personnelle, faite de langage et de communication. Le corps, c'est nous-mêmes.

De la mort à la sépulture

Après la mort de l'homme son corps devient cadavre et il est l'objet d'une sépulture. Ce changement de nom, mais aussi le respect qui lui est manifesté, traduisent qu'il ne s'agit plus et pourtant qu'il s'agit encore d'un corps humain. Le cadavre n'est plus corps du simple fait qu'il n'est plus parlant et signifiant. Demeure désormais inhabitée, il n'est plus le centre de relations d'une personne humaine. Il demeure cependant corps humain pour ceux qui ont connu et aimé l'être décédé. Il est pour eux le signe récapitulant toute son histoire et toutes les rencontres qu'ils ont eues avec lui. C'est pourquoi il reçoit une sépulture destinée à le respecter et à maintenir sa mémoire. L'homme est l'animal qui enterre ses morts, l'animal qui se souvient de ceux avec lesquels il a vécu et se rapporte à eux comme à des êtres qui existent encore de quelque façon.

Car si la mort de l'être cher apparaît comme une séparation absolue et définitive, l'ensevelissement respectueux trahit cependant l'espérance que tout n'est pas fini. Suivant les traditions religieuses, les survivants se laissent aller à penser que le défunt vit toujours, même s'il s'agit d'une existence diminuée. Ils essaient de préserver au maximum son corps de la désintégration (embaumements, momification). Ou bien ils estiment qu'il continue à vivre dans la conscience de sa famille ou de son peuple par les traces que son action a laissées.

Quel corps ressuscite ?

Parler de la résurrection des corps, ce n'est porter aucun jugement sur le sort des atomes, des molécules et des cellules. Autrefois, un apologiste chrétien du II° siècle, Athénagore d'Athènes, s'était laissé aller à répondre à des objections ridicules par leur matérialisme. Il évoquait le cas suivant. Il arrive à des poissons de manger des corps humains de naufragés. Mais les hommes mangent à leur tour les poissons. Supposons qu'un homme ait mangé la chair d'un poisson qui avait lui-même mangé la chair d'un homme. A la résurrection à qui cette chair appartiendrait-elle ? La question est ridicule. L'attitude de l'Eglise vis-à-vis de la crémation montre bien que la résurrection n'a rien à voir avec l'état de conservation d'un cadavre.

Mais la tentation de rendre compte de la résurrection au plan matériel nous guette toujours. Il y a peu, un homme de science posa dans des conférences la question suivante : "Les données de la science moderne permettent-elles de croire à la résurrection suivant le dogme catholique ?" L'auteur entend ramener la résurrection à un phénomène comme un autre, en l'abordant sous l'angle scientifique et en la considérant comme un phénomène, au même titre que la cristallisation ou la dilatation des métaux. La faille radicale d'une telle position est que la résurrection est ici pensée à l'intérieur de notre continuum spatio-temporel, sans doute comme un passage à une nouvelle perfection corporelle, mais qui conduit finalement à une vie du même ordre que la précédente. Or la résurrection n'est précisément pas un phénomène. La science n'a pas plus à dire que l'histoire sur la discontinuité radicale qui demeure entre notre monde et ce que le bon sens populaire appelle "l'autre monde", c'est-à-dire le monde de la vie en Dieu. Aucune discipline scientifique n'a de pertinence pour "prouver" la possibilité de la résurrection.

La discontinuité du ressuscité n'est en effet pas représentable. Nous n'avons aucune image de ce que peut être un corps ressuscité dans un univers qui est au-delà du temps et de l'espace. Nous pouvons seulement percevoir quelques signes donnés de cette discontinuité à partir des récits évangéliques sur Jésus ressuscité. Encore, ceux-ci sont-ils des "pédagogies" adaptées à des hommes non ressuscités.

Selon la foi chrétienne, affirmer une résurrection du corps, c'est maintenir une forme de continuité à travers la discontinuité radicale entre corps mortel et corps ressuscité. Cette continuité concerne le corps humain en tant qu'il est humain, en tant qu'il a été inséparable de notre condition humaine et qu'il est la récapitulation de toute une histoire et l'expression d'une personnalité complète.

Il nous est dit en même temps que ce corps sera désormais un "corps spirituel", "un corps glorieux" et incorruptible, par opposition à notre "corps animé" et "corruptible". Cela peut paraître une contradiction dans les termes : ce qui est esprit n'est pas corps et ce qui est corps n'est pas esprit, comme ce qui est vers n'était point prose pour monsieur Jourdain. Mais toute l'analyse proposée ci-dessus a montré que notre corps charnel est déjà spirituel à plus d'un titre. Il le sera alors complètement. Mais nul ne peut en dire plus, tout simplement parce que nul sur terre n'est encore ressuscité. Mais nous affirmons ainsi une réalité d'espérance et de foi qui va bien au-delà de la notion de l'immortalité de l'âme.

Tel est le contenu du message de la résurrection de Jésus. Celui-ci se manifeste à ses apôtres comme le même, celui qu'ils ont connu mais qu'ils "reconnaissent" sous une forme tout autre, puisque le mode de communication qu'ils ont avec lui a complètement changé. Jésus n'est plus soumis aux limites de l'espace et du temps : il les transcende et les domine complètement. Sa présence vient désormais d'ailleurs, elle vient du monde divin de Dieu.

Dès les origines, ce message a fait difficulté, en particulier aux païens comme on le voit dans la scène des Actes des apôtres, où Paul annonce la résurrection devant l'Aréopage d'Athènes : (Ac 17, 32). Bien entendu, le message de la résurrection fut souvent à travers les siècles une pierre d'achoppement pour la foi chrétienne. Mais il fut aussi son levier le plus puissant.

La foi en la résurrection est-elle aujourd'hui possible ?

L'homme moderne garde-t-il encore la capacité de croire en la résurrection ? Une telle idée fait-elle partie du "croyable disponible" de notre temps ? Le concept de résurrection n'apparaît plus, à première analyse, culturellement porteur de l'espérance humaine. La perspective rationaliste de notre modernité relègue volontiers cette idée au grenier des projections mythologiques du désir humain. Mais tout est-il dit par là ?

Des analyses récentes de l'espérance humaine arrivent en effet à de tout autres conclusions. Le théologien luthérien allemand Wolfhart Pannenberg, développant des réflexions du philosophe d'inspiration marxiste Ernst Bloch, estime que, selon une constatation universelle, la destinée naturelle de l'homme ne trouve pas son achèvement définitif dans la finitude de sa vie terrestre. La facilité étonnante, avec laquelle l'homme d'aujourd'hui semble vivre sans s'inquiéter de la question de la mort risque d'être trompeuse : "La superficialité n'est pas à elle seule une libération. Et l'étouffement ne donne pas à lui seul le sentiment d'une victoire". Plus précisément : la phénoménologie de l'espérance montre qu'il appartient à la nature de l'être humain conscient d'espérer par-delà la mort. [...] Cette interrogation sans fin de l'homme sur lui-même se traduit par les espérances portant sur l'au-delà de la mort et dont font partie aussi bien l'idée de l'immortalité de l'âme que celle d'une résurrection des morts. [...] La "vie par-delà la mort" ne peut plus être conçue sous la forme de l'immortalité de l'âme, mais seulement comme un autre mode d'existence de l'homme tout entier. Or c'est ce que contient l'image d'une résurrection des morts.

Ces analyses partent de l'expérience humaine la plus profonde. L'homme sait qu'il va mourir et il vit son existence comme une contradiction tragique entre son destin inéluctable et son désir de vivre de manière absolue. Dans cette situation il ressent un besoin radical de salut que l'on peut définir ainsi : être sauvé, c'est vivre, vivre tout entier, vivre absolument, vivre heureux dans l'amour, vivre toujours dans une réconciliation définitive avec soi-même, avec les autres, avec l'univers et avec Dieu. La parenté sémantique du terme de salut avec celui de santé traduit bien cette donnée. On dit d'un homme revenu d'une maladie à risque mortel qu'il est sauvé !

On peut donc dire que tout homme est habité par une espérance de sa propre résurrection, présente au fond de lui-même de manière incoercible. Elle est liée à notre "être-homme". Cette espérance est un trait de l'expérience décrite au début de ce livre. C'est elle qui nous permet de comprendre la résurrection de Jésus et d'y adhérer par la foi, puisque nous n'avons à notre disposition aucune expérience comparable. Il n'y a en effet pas de foi sans espérance, comme il n'y a pas d'espérance sans un minimum de foi.

Bernard Sesboüé, jésuite

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