L'Ascension est une fête qui concerne l'identité de Jésus, et celle du croyant, transformé par son adhésion au Christ.

Des chiffres et des dates

Quarante jours après Pâques, nous fêtons l'Ascension, puis quelque dix jours après, la Pentecôte. Deux grandes dates qui disent avant tout le temps de la foi. Quarante jours après Pâques, c'est le temps parfait de la naissance du disciple, le temps d'une révélation ! La fête de l'Ascension, comme celle de la Pentecôte, concerne l'identité profonde de Jésus, et celle du croyant, transformé par son adhésion à Jésus, par la proximité qui le gagne face au mystère.

Jésus dans les airs

Nous sommes probablement desservis par les magnifiques représentations que les peintres ont données de ce grand moment du mystère de la foi. Nous savons ainsi que les anges ont des ailes, puisque Fra Angelico les a peintes si belles, si légères et si douces. Et tout laisse à penser que l'Ascension a été un départ de Jésus dans les airs. Les peintres en effet ont montré cette ascension dans son élan, et dans le mouvement d'un corps peu à peu absorbé par le nuage. Et nous pensons, inconsciemment, que Dieu est dans ce ciel…-là.

C'est ignorer le parler biblique, qui ne peut situer Dieu qu'en haut, au sommet de l'univers, tandis que le lieu de la mort, et aussi celui du mal, est en bas vers le sol (relire par exemple Genèse 4, 7), ou plus bas encore pour la mort, au Shéol. La Bible désigne ainsi le pays de la mort, lieu d'obscurité et surtout de silence, tandis que la vie est mouvement, joie, parole de louange à Dieu. Oui, telle est la plus belle figure de la vie (Isaïe 38, 10-20) !

La cosmologie juive

Pour saisir l'ensemble de ces images dans lesquelles s'exprime la foi biblique, il faut se souvenir de la représentation biblique du monde. Il faut nous représenter un grand cercle. La moitié supérieure serait la voûte céleste, à laquelle sont accrochés les astres : soleil, lune, étoiles, tous les luminaires dont parle la Bible dès son premier chapitre, tandis qu'à Babylone on les considère comme des divinités. Pour l'homme de la Bible, les astres ne sont que des créatures du Dieu unique.

Le cercle serait traversé en sa moitié par un grand axe horizontal, celui de la mer, sur laquelle est posée comme une galette la terre ferme, soutenue comme le disent certains psaumes, par les colonnes de la terre. La mer est le lieu des démons et des puissances hostiles, tel le monstre Léviathan dont parle la Bible. Et lorsque Jésus apaise la mer en tempête, il impose silence aux démons. Il exorcise la mer (cf. Matthieu 8, 23-27).

Sous la terre se trouve le shéol, ou séjour des morts, lieu du silence, de la non vie. Aucune image comme nos terribles représentations médiévales, de démons fourchus et cornus accablant les pauvres damnés. Car la mort n'est pas damnation : elle est silence, non vie, cessation de tout.

Dieu au sommet de l'univers

Dans cette représentation, Dieu est au sommet de l'univers, bien sûr. En bas, ce sont les puissances du mal et de la mort. C'est ainsi. Mais on peut dès lors relire un des grands textes du Nouveau Testament parlant du Christ, une hymne très ancienne, antérieure même à la lettre de saint Paul dans laquelle elle s'inscrit. Elle vient sous la plume de Paul comme l'illustration ou l'éclairage le plus spontané (cf. ci-dessous sa première phrase). On appelle souvent ce texte Hymne aux Philippiens :

"Ayez entre vous les dispositions que l'on doit avoir dans le Christ Jésus : lui qui était dans la condition de Dieu, il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même, en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : "Jésus Christ est le Seigneur", pour la gloire de Dieu le Père" (Philippiens 2, 5-11).

Lire et relire la Bible 

Le texte que nous venons de lire est beaucoup plus riche qu'on ne le croit. Il dit le chemin du Christ : d'où il vient - de Dieu - et où il va : vers Dieu, à la droite de Dieu. Sur le plan théologique, ce texte est essentiel. Et il repose, on le voit, sur la représentation de l'univers dont nous venons de parler. Venu de Dieu, et prenant condition d'homme, Jésus descend. Mais Dieu l'a élevé au-dessus de tout, lui donnant le nom qui est au-dessus de tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : "Jésus Christ est le Seigneur", à la gloire de Dieu le Père.

Les mots de la foi et du Credo 

Le Credo reprend et poursuit cette affirmation de foi et ce mouvement. Dans sa version la plus simple, celle du Symbole des Apôtres, il dit en mots très simples : Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie. Et cette proclamation de la foi se poursuit : il a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers. Le troisième jour, est ressuscité des morts ; est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts….

Les mots, on le voit, sont très proches de ceux que nous avons lus dans l'Hymne aux Philippiens. Ce qui peut parfois sembler étrange, s'explique alors : Christ en sa mort et sa résurrection, va jusqu'aux tréfonds de la mort. Les icônes de la résurrection le montrent, vainqueur de la mort et du tombeau, et prenant par la main… Adam, le premier homme, et Eve. Les ramenant à la vie, les touchant de sa résurrection, c'est tout le séjour des morts, c'est toute mort, c'est la création et l'humanité tout entières qu'il touche ainsi de résurrection.

Ainsi les mots de la foi s'éclairent-ils de façon simple lorsque l'on redécouvre les mots et les images, l'univers de la Bible.

Jacques Nieuviarts, bibliste

"Dieu au sommet de l'Univers " : l'Ascension éclairée par le langage de la Bible. Un article de Jacques Nieuviarts, bibliste.Publié le 14 avril 2015.


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