Le Carême est un temps de préparation de quarante jours à la fête de Pâques, cœur de la foi chrétienne, qui célèbre la résurrection du Christ.

Ces quarante jours  nous permettent de revivre avec le Christ au désert les quarante années de la marche des Hébreux vers la terre promise.

C’est la même expérience d’intimité avec Dieu que souhaite revivre toute la communauté des croyants, baptisés ou candidats au baptême, alors qu’elle se met en route vers Pâques.

 

Pourquoi le prêtre dépose-t-il des cendres sur le front des fidèles le mercredi des Cendres ? 

Messe des cendres en l'église Sainte Anne de la Butte aux Cailles, Paris (75), France. © Alain Pinoges/Ciric

Le mercredi des Cendres marque l'entrée officielle en Carême et dans le cycle pascal. Il peut tomber n'importe quel mercredi entre le 4 février et le 10 mars, en fonction de la date de Pâques. Les cendres qui proviennent des rameaux de l'année précédente, brûlés pour l'occasion, sont déposées sur le front des fidèles. Cette coutume de se couvrir la tête de cendres - et à l'origine de se revêtir aussi d'un sac - est une ancienne pratique pénitentielle qui remonte au peuple hébreu (Jonas 3.5-9 : Jérémie 6.26 ; 25- 34 ; Matthieu 1 1,21).

Aux commencements du christianisme

Ce rite des cendres n'était pas directement associé au début du Carême. Vers l'an 300, il fut adopté par certaines Églises locales et intégré au rite d'excommunication temporaire ou de renvoi des pécheurs publics de la communauté. Ces personnes s'étaient rendues coupables de péchés ou de scandales "majeurs" : apostasie, hérésie, meurtre et adultère (considérés comme des péchés "capitaux").

Au VIIe siècle environ

Cette coutume donna lieu, dans certaines églises, à un rite public du mercredi des Cendres. Les pécheurs confessaient d'abord leurs péchés en privé. Puis ils étaient présentés à l'évêque et mis publiquement au rang des pénitents, ils devaient se préparer pour recevoir l'absolution donnée le Jeudi saint. Après une imposition des mains et des cendres, ils étaient renvoyés de la communauté comme Adam et Eve l'avaient été du paradis. Bien sûr, on leur rappelait que la mort est la conséquence du péché : "Oui, tu es poussière et à cette poussière tu retourneras" (Genèse 3,19).

Les pénitents vivaient en marge de leur famille et du reste de la communauté chrétienne pendant les quarante jours du Carême (d'où l'expression de "quarantaine"). Le "sac" qu'ils avaient revêtu et la cendre dont ils étaient couverts permettaient de les reconnaître lors des assemblées ou, le plus souvent, aux portes de l'église où ils étaient relégués. Cette pratique pénitentielle impliquait généralement de s'abstenir de viande, d'alcool, de bain. Il était également interdit de se faire couper les cheveux, de se raser, d'avoir des relations sexuelles et de gérer ses affaires. Selon les diocèses, il arrivait que certaines pénitences durent plusieurs années, voire toute la vie.

Au cours du Moyen-Âge

C'est la dimension personnelle du péché, plutôt que son caractère public, qui fut objet d'insistance. Par conséquent, les traditions associées au mercredi des Cendres furent appliquées à tous les adultes de la paroisse, mais sous une forme mitigée. Au XIe siècle, les pratiques en usage étaient fort semblables à celles que nous connaissons aujourd'hui. Depuis quelques années, il existe une alternative à la formule traditionnelle pour l'imposition des cendres. Elle met en valeur un aspect beaucoup plus positif du Carême : "Convertissez-vous et croyez à l'Evangile" (Mc 1,15).
 
Dans les églises de Bretagne insulaire et d'Irlande, une nouvelle modalité pénitentielle se développa, entre le VIe et le VIIIe siècle, sous l'influence des moines celtes. Il s'agissait d'une forme de pénitence personnelle et privée pour des péchés moins graves que ceux évoqués ci-dessus. Cette pratique, plus que le rite du mercredi des Cendres, allait contribuer à faire évoluer les modalités du sacrement de la réconciliation.

Trois sortes de traditions ont donné au Carême son caractère spécifique :

1. celles qui favorisent un climat d'austérité ;
2. les pratiques pénitentielles, surtout en matière de jeûne et d'abstinence
3. les dévotions centrées sur la souffrance de Jésus.

Au cours de ces vingt dernières années, ces traditions ont été associées à des pratiques nouvelles, mettant l'accent sur une dimension plus positive du Carême.

Bon Carême !

Guide des traditions et coutumes catholiques, pp 138-140
Croire.com

 

Avant Noël s’ouvre le temps de l’Avent, qui commence cette année le 27 novembre 2016. L’avent (avec un « e ») est certes un temps qui précède Noël. Mais d’où vient ce temps et quel est son but ?

Un temps où l’on prépare son cœur à fêter Noël

Le temps de l’Avent compte quatre dimanches avant Noël. Historiquement, on sait que l’avent avait surtout pour but de tourner notre prière et nos cœurs vers ce que l’on appelle les «fins dernières», autrement dit le retour du Christ, que tous les chrétiens attendent. Aujourd’hui encore, notre Avent honore donc ces deux aspects : méditer sur le retour du Christ (en gros, les 2 premières semaines) et ensuite la préparation de nos cœurs à célébrer Noël, du 16 au 24 décembre, et qui est une préparation plus centrée sur la fête même de Noël avec la lecture des évangiles qui précèdent la naissance du Christ et les divers événements : l’annonce de la naissance de Jean le Baptiste ; l’annonce à la Vierge Marie, à saint Joseph, la nativité de saint Jean-Baptiste, etc.

Avec Saint Jean-Baptiste, attendre Noël

Saint Jean-Baptiste est un personnage clé de l’avent puisque c’est lui qui appelle sans cesse le peuple à se convertir pour accueillir le Messie de Dieu. En effet, le Messie de Dieu ne s’accueille que par un cœur ayant le désir de se convertir à sa parole. En quelque sorte, il incarne bien l’esprit de l’avent puisque c’est le prophète de l’attente par excellence : il prépare les chemins du Seigneur, il montre l’agneau de Dieu, le Christ, qui vient dans le monde.

Se préparer à recevoir Jésus avec la Vierge Marie

La Vierge Marie tient aussi une place toute particulière puisque son rôle et sa place dans l’accueil de Dieu au cœur de sa vie sont particulièrement offerts à notre prière. Qui d’autre mieux que Marie, dans l’attente de la naissance de son fils, peut montrer à l’Église, et donc à nous-mêmes, comment disposer nos cœurs à le recevoir ? Elle est la figure de l’attente et de la confiance en Dieu par excellence.

L’Avent, pour apprendre à préférer Jésus

Comme nos cœurs sont dans l’attente et appelés à se convertir pour mieux accueillir l’Enfant Jésus, quelques « signes » liturgiques vont signifier cela : en plus de la couleur violette que revêtent les prêtres par les ornements liturgiques, on ne chante plus le Gloria à la messe du dimanche. C’est le chant des anges la nuit de Noël : on le «réserve» donc pour cette fête, comme pour mieux le retrouver à Noël.

Le violet est aussi la couleur de la « pénitence » dans l’Église, un mot que l’on aime moins… Jean-Baptiste «proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés !» La conversion est toujours tournée vers une joie plus grande qu’est l’accueil de Dieu dans nos vies. C’est cela que nous célébrerons le 25 décembre et c’est pour cela que nous disposons nos cœurs à préférer Jésus à toute chose. Regardez Marie par exemple : elle avait un beau projet de mariage avec Joseph ! Ces deux personnages (comme tant d’autres saints d’ailleurs) avaient des projets, une vie bien réglée, une belle situation et pouvaient légitimement profiter de l’existence. Mais ils ont préféré Dieu à toute autre chose. C’est le témoignage que nous recevons pendant l’Avent.

Père Cédric Burgun, prêtre du diocèse de Metz

 

Miche de pain. ©KisaomaNous entrons en carême, et nous allons une fois de plus nous demander comment utiliser au mieux ce temps qui nous mène à Pâques. L’Église nous recommande le jeûne, la prière et le partage. Certains trouveront cela sans doute austère, et poseront la question: le carême doit-il être triste?

Sophie de Villeneuve: Beaucoup parlent du Carême comme d'un temps de pénitence, est-ce une bonne façon de voir les choses?

N. M. : En ce qui me concerne, j'attends le carême avec joie, car c'est un rendez-vous que Dieu me donne pour grandir dans ma foi, pour grandir avec moi-même, avec Dieu et avec les autres. C'est une chance qui m'est donnée. Pénitence, oui, dans le sens d'un changement profond qui m'est proposé.

Mais vous êtes franciscain depuis longtemps, en quoi devriez-vous changer?

N. M. On n'a jamais fini de changer ! Le carême dure quarante jours. Il y a bien sûr les quarante ans au désert, et le but du désert, ne l'oublions pas, c'est la terre promise. Cette terre promise, c'est la terre du devenir soi. Je vais enfin devenir ce que je suis appelé à être: le fils bien-aimé du Père. Le carême, c'est un temps pour s'y exercer. Quarante, c'est aussi quarante semaines, et la grossesse dure quarante semaines. C'est une belle image, qui veut dire que le carême est un temps qui m'est proposé pour renaître, pour renaître à moi-même.

Donc finalement c'est bien plus qu'un temps de pénitence, c'est un temps de retournement sur soi, de relecture de vie, qui nous est proposé tous les ans?

N. M : Oui, c'est la pédagogie de l’Église, elle nous propose de vivre avec beaucoup plus d'intensité pendant un temps limité ce que nous sommes appelés à vivre tout au long de notre vie chrétienne.

Le carême, c'est toute la vie chrétienne?

N. M. : Bien sûr, cette démarche de conversion s'étend sur toute notre vie.

Se retrouver soi-même, cela veut-il dire savoir qui l'on est?

N. M. : Oui. Et cela se fait en contemplant le Christ. J'aime beaucoup cette phrase de Jésus qui dit: "Je vous dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite". Le désir de Jésus, c'est que nous connaissions en profondeur la joie, sa joie. Mais qu'est-ce que la joie de Jésus. Peut-on parler de joie quand on contemple le Christ en croix? Il y a une pépite dans la lettre de carême du pape François. Il écrit : "Jésus est riche de sa confiance sans limites envers le Père, de pouvoir compter sur lui à tout moment." J'ai entendu ces mots comme un appel très concret pour ce carême à grandir dans la confiance envers ce Père, de redécouvrir que c'est un père qui me veut heureux et qui m'indique le chemin du bonheur. Ce chemin, c'est de contempler le Christ et de marcher sur ses traces.

Ce chemin passe quand même par un temps de jeûne, de partage, de prière… Le jeûne, ce n'est pas très drôle, il faut faire des efforts. Comment faut-il le pratiquer?

N. M. : Je l'entends ainsi : "creuser, élargir l'espace de ma tente". Si je suis plein, plein de moi-même, de mes activités, il n'y a plus de place pour accueillir l'autre, pour accueillir Dieu et finalement pour accueillir la profondeur de ce que je suis. Le carême veut nous aider à ouvrir un espace et le jeûne, très concrètement, l'exprime physiquement. Alors qu'habituellement, quand j'ai faim, je comble immédiatement ma faim, je vais accepter de manquer, non pas pour manquer, mais pour m'ouvrir à un bien plus grand encore, Dieu, qui est capable de me combler. C'est cela, le sens du jeûne. En même temps, la faim me fait prendre conscience de ceux qui ne choisissent pas la faim, et donc elle m'ouvre les yeux pour une solidarité très concrète elle aussi.

Vous vous privez de certains aliments, vous mangez moins que d'habitude?

N. M. : Il y a différents types de jeûne, mais pour moi, je ne mange pas le vendredi soir. Je passe l'heure du repas à la chapelle en oraison. Du coup, une jour des chrétiens se sont joints à moi, car ils ne savaient pas trop comment vivre le carême, et depuis cela continue, et cela s'étend même maintenant sur toute l'année. C'est une manière très concrète de vivre le jeûne et de lui donner du sens.

C'est cela aussi, le partage qui nous est demandé?

N. M. : Bien sûr, c'est lié au partage. Pour moi, le partage, c'est aussi : est-ce que je me laisse interpeller par le visage de l'autre? Quelqu'un m'a rapporté avoir osé récemment adresser la parole à un mendiant près de qui il passait depuis des années. C'est cela aussi, partager : croiser le regard de quelqu'un qui nous laissait jusqu'alors indifférent ou qui nous faisait peur, et découvrir que lui aussi est fils bien-aimé du Père. Comment vais-je éduquer mon regard pendant ce carême?

Finalement, ce n'est pas quarante jours de tristesse?

N. M. : Non, c'est à prendre comme une chance de découvrir quelle est notre vocation, qui a trait à celle de Jésus, qui est  pour moi concrètement le grand frère que je suis moi-même appelé à devenir. On peut dire au Seigneur pendant le carême: Aide-moi à grandir dans l'amitié avec toi, et à te suivre d'une manière très concrète.

Le carême, c'est aussi préparer Pâques, un événement essentiel de la vie de l’Église. Cela passe par quoi? La contemplation, la prière?

N. M. : C'est un temps qui a plusieurs dimensions. L'une des plus belle, c'est la dimension de peuple. On vit ce temps en communauté. La foi, ce n'est pas seulement Dieu et moi. On est donné les uns aux autres pour chercher Dieu ensemble et aller vers lui ensemble. Les grandes cérémonies de la Semaine sainte, le lavement des pieds, la procession de la croix, et cette longue marche de la veillée pascale le disent très bien. Tout cela, c'est un peuple en marche. Une autre dimension pendant la Semaine sainte est de nous laisser faire par la liturgie qui est très belle. Si on peut vivre ces trois jours, c'est magnifique, et de plus en plus de chrétiens prennent des jours de congé pour cela.

Vous dites que le carême est un temps de transformation. Vous vous sentez transformé, vous, après ces quarante jours, chaque année un peu plus?

N. M. : Ce serait présomptueux de ma part de le dire ! C'est dans le cœur de Dieu. Mais oui, je crois que c'est un chemin spirituel qui nous aide à grandir tous les jours. Ce chemin-là, nous ne le construisons pas à la force du poignet, il nous est donné. Je crois que le Seigneur ne nous demande qu'une chose : nous rendre disponibles, avoir le désir de l'aimer davantage, et pour le reste, c'est lui qui fait le travail.

Donc il n'y a pas d'effort de notre part?

N. M. : Si. Nous rendre disponibles demande un vrai effort, très concret.

Cela veut dire se donner du temps tous les jours?

N. M. : Chacun a son rite. Certains vont marquer le mercredi des Cendres de manière particulière, et prennent le temps de prier, de lire l’Évangile, de célébrer en communauté. Dans ma communauté, chaque repas que l'on ne prend pas est noté, de sorte que l'argent qu'on n'a pas dépensé soit partagé.

Si j'ai bien compris, le carême n'est pas triste, il mène à la joie?

N. M. : Oui, à la joie de la Résurrection.

------

Le F. Nicolas Morin, franciscain, répond aux questions de Sophie de Villeneuve. Publié le 7 février 2017.

Interview réalisée par Sophie de Villeneuve pour Radio Notre-Dame - 10 mars 2014
Croire.com